C’est en tous cas ce que nous dit Judy Estrin, dans un livre qui commence à faire du bruit dans le Landernau local (si j’ose dire).
Son argument de fond (je n’ai pas encore lu le livre) semble être que l’écosystème innovant de Silicon Valley est pollué. La rapacité des capital risqueurs (ou leur modèle économique) pousse les jeunes entreprises à chercher la rentabilité immédiate au détriment des avancées de fond.
Dans un entretien avec le San Francisco Chronicle elle décrit la situation en la comparant à celle d’un arbre dont les racines sont pourries mais dont les branches restent vertes pendant un certain temps avant de s’effondrer.
C’est caricatural, bien sûr, mais Judy Estrin n’est pas n’importe qui. Après avoir étudié à Stanford et avoir collaboré avec Vinton Cerf, elle a créé plusieurs startups dont une a été rachetée par Cisco dont elle a été la Chief Technology Officer pendant trois ans. Elle connaît la chanson.
Ce genre de constat rejoint, d’une part, les protestations de multiples startups qui cherchent à se libérer des capital risqueurs (ce qui est d’autant plus facile que les coûts d’investissements initiaux chutent grâce à l’open source, à la globalisation et à la chute des prix des machines).
Il fait écho aussi aux frémissements des Américains quand ils constatent qu’en retard dans le domaine de la téléphonie mobile et des connexions à haut débit, ils voient se multiplier entreprises innovantes et pôles d’innovations en différents points du globe.
La position de la Valley reste très forte, entre autre parce qu’elle s’alimente d’un grand nombre d’étrangers qui viennent s’installer ici, et qui y passent (et ça fait du monde). Et aussi parce qu’elle se renouvelle avec la biotechnologie, la nanotechnologie et les technologies propres et vertes.
Mike Masnick de Techdirt prend le contre-pied d’Esrin et parle d’évolution du système plutôt que de sa pourriture. Il compare la réaction de cette professionnelle reconnue à celle des journalistes reconnus - par exemple - pour qui les blogs sont plein de scories. C’est incontestable mais ça n’empêche pas qu’il y a des perles et qu’au total nous y gagnons.
Appliqué à l’innovation, l’image veut dire qu’on voit un nombre croissant de startups se lancer avec des produits douteux. C’est rendu possible par la baisse des coûts initiaux et ça permet de tester les idées dans la pratique et de voir celles qui marchent.
Le modèle d’hier était encore très “top down” et relativement compatible avec les modèles étatiques pratiqués ailleurs.
Le nouveau modèle, s’il se confirme, sera encore plus difficile à imiter.