Christine Albanel a présenté au conseil des ministres le projet de loi HADOPI (d’après le rapport Olivennes : ex-patron de la Fnac, actuel directeur du Nouvel Obs) pour dissuader les internautes de télécharger illégalement des œuvres en utilisant ce qu’ils appellent : la riposte graduée. La riposte (au téléchargement) est graduée puisqu’un mail d’avertissement est d’abord envoyé massivement par une machine, puis un deuxième et si l’internaute continue à télécharger, son abonnement Internet peut être coupé jusqu’à 1 an.
Pourquoi cette loi est-elle dangereuse ? Pourquoi vos enfants vous détesteront ? Pourquoi des associations comme UFC-que-choisir, l’ARCEP, la CNIL, le parlement européen fustigent cette loi ?
Le fond de cette loi semble acceptable moralement, je suis pour le droit d’auteur et je suis pour que les ayant droits gagnent de l’argent pour leur travail. Ceci étant dit, voici mes objections.
L’internaute est coupable
Si un de vos voisins piratent votre ligne, vous êtes coupable de ne pas avoir protégé efficacement votre accès Internet. Comme vous êtes prévenu par mail qu’un téléchargement illégal a été réalisé via votre ligne, c’est à vous d’agir pour sécuriser votre ligne. Si vous n’y arrivez pas, tant pis pour vous, on vous coupera votre abonnement. Autour de chez moi, je capte 4 réseaux Wifi, 2 sont sécurisés en WEP, 2 en WPA, et zéro en WPA2 (le seul niveau de sécurité acceptable pour le moment). Je vois déjà la tête des gens qui n’y connaissent rien, ils ont une tête de bons gros coupables.
Une mesure démesurée
Des agents administratifs pourront accéder à vos données de connexion. De plus, les enquêtes pour traquer les pirate seront menées par des sociétés privées, telles que les maisons de disques, et non par une autorité judiciaire. Aujourd’hui, les seules personnes autorisées à accéder à ces données sans contrôle, sont les agents anti-terroristes. Cette mesure démesurée, rappelons-le une nouvelle fois, sert à défendre des intérêts privés.
La fin des Hot spots et du libre
Evidemment, les entreprises vont devoir surveiller leurs salariés pour qu’ils ne téléchargent pas des choses illégales sur leur lieu de travail, sous peine de se voir couper l’accès Internet. De plus, les réseaux Wifi gratuits que vous connaissez et que vous utilisez peut-être avec votre téléphone ou votre ordinateur portable vont disparaître petit à petit. Il s’agira d’un premier signe de la disparition de la culture du libre, seul vrai concurrent crédible des majors. Regardez un peu l’effort fait pour détourner les gens de Linux, d’OpenOffice, ou de sites comme Dogmazic…
La fin du Peer-2-Peer
Si vous utilisez ce type de logiciel pour télécharger un logiciel libre (Linux, OpenOffice, etc…) vous êtes un méchant. Un mail vous le rappellera, une fois, deux fois, et… puis plus de mails à lire.
Mails perdus
Les mails vont être envoyés massivement dès les premiers jours, des milliers par jour, mais qui recevra ces mails ? A quelle adresse seront-ils envoyés ? Ils seront envoyés sur les boîtes emails fournies par les fournisseurs d’accès qui se terminent par @free.fr ou @orange.fr, alors que l’internaute (par conséquent un coupable en puissance, puisque la présomption d’innocence n’existe plus) ne consulte que sa boîte Gmail, Hotmail ou Yahoo. (J’aimerais savoir qui utilise encore la boite mail fournie par son fournisseur d’accès.)
Une loi inefficace
Cette loi vise les réseaux P2P et BitTorrent, or il existe déjà des parades genre type WASTE (petit réseau de 10-50 personnes), MegaUpload ou Freenet (réseau crypté). Les vrais pirates sont déjà sur ces alternatives et demain, ce sera le grand public. Une solution sera de surveiller Internet dans sa globalité, à la source, directement à partir des FAI.
Les ayants droits ?
Comment cette loi peut-elle profiter aux ayants droits ? Cette loi ne nous dit pas si les ayant droits bénéficieront de quoi que ce soit et ne répond pas aux besoins de financement des créateurs. On est des vaches à lait, on paie une taxe sur les CD vierges, les disques durs, les lecteurs MP3, les ordinateurs, le plus souvent pour enregistrer ses données personnelles. Comment peut-on encore empêcher les gens d’utiliser des outils qu’ils ont payés et sur lesquels ils ont été taxés.
La culture sous clé
Cette loi ouvre la porte à de nombreuses dérives possibles. Internet pourrait se trouver bridé et servir les intérêts des lobbys et majors. Sous prétexte de limiter le téléchargement illégal, Internet pourrait demain, avec un nouveau projet de loi être sous surveillance (voir : une loi inefficace plus haut) Les données de chaque Internaute pourront alors être collectées et servir de preuves pour, soyons fous, un divorce.
Des solutions ?
Oui, il en existe. La télévision, la radio, les journaux sont des exemples de solution qui fonctionnent. Les télés et radios, les journaux rémunèrent les créateurs en fonction de l’utilisation de leurs œuvres. Pourquoi ce droit d’accès à l’œuvre ne serait pas payant, on appelle ça la licence globale, 5€ env. sur le forfait permettrait d’accéder aux œuvres à la carte, l’ayant droit serait rémunéré proportionnellement. Deezer, la radio en ligne à la carte donne 8% de ses bénéfices aux ayant droits proportionnellement aux écoutes sur son site. D’autres circuits existent, celui du logiciel libre, de la musique libre sont d’autres circuits alternatifs dont les majors ne veulent pas entendre parler.
Qu’allez-vous dire à vos enfants ?
Quand demain sous prétexte que le téléchargement illégal faisait pleurer Pascal Nègre, vous n’avez rien fait pour faire valoir votre droit. Ce texte est, comme le dit UFC-Que-Choisir, « un monstre juridique » car il défend un modèle économique obsolète (souvenez-vous du minitel qui a retardé le développement d’Internet en France de quelques années) et défend encore les intérêts de grandes maisons de disque.
Pétition contre la loi Hadopi.
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